2019-2020 - L'escalier du Quai de l'Horloge
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Eclairage par le bas
Eclairage par le haut
Nicolas Poussin (1594-1665) - Le Déluge (1660-1664), série "Les saisons"
2018-2019 - Nulle part
2018 - Quais de Seine, Pont-Royal
2016-2017 - Paris, Gare de l'Est
2011 - Les Quais
© Luc Dartois - Avril 2020
actualisé en octobre 2020
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Le choix se situe entre des marches qui mènent à une lumière cachée ou un chemin qui mène sur d’autres inconnus. Chaque chemin comporte ses dangers et ses zones d’ombres. Il n'y a pas de bon ou de mauvais choix, seulement une direction à prendre.
 


On pourrait voir dans la masse du ciel les prémisses de la crise en devenir. En effet, cette toile a été terminée vers le début de février 2020 soit au moment où le nouveau coronavirus commençait à se répandre dans le monde.
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La lumière reste cependant énigmatique. Ici elle ne trahit aucune espérance, au contraire elle semble recéler un inconnu, un danger.
 
Le point de convergence des lignes de composition, le haut de l’escalier qui semble être la destination du spectateur, les ombres... tout le mouvement du tableau se dirige vers une lumière cachée en une dualité permanente entre le visible et l’invisible.
 


L'escalier, qui a longtemps été dans les civilisations anciennes un symbole d'ascension vers un niveau plus élevé et plus proche du ciel, ne débouche ici sur rien d'apparent.
 
Vision captée du monde extérieur ou vision émanent de l’intérieur, l’interrogation demeure. Mais en art, un questionnement ne vaut rien s’il n’est sous-tendu par une vision.
 


Dans le fond, les lumières s’éteignent.
 
Métaphore d’un monde en désagrégation ou prélude à un avènement de temps plus sombres, un simple jeu de lumière peut suffir à retranscrire l’image mentale d’une époque.
 


Si tout l’univers visible est contenu dans un grain de sable, alors tout l’univers invisible est contenu dans un grain de lumière.
Le choix d’une lumière est porteur d’une vision, à la fois intérieure et extérieure.
 

La lumière de l’escalier fait explicitement référence aux lumières de film noir, ce qui pourrait faire penser à l’éclairage d’une scène de crime.
 

Le temps est suspendu, le spectateur est invité à entrer lui même dans le tableau et à prolonger la scène.
On pourrait croire que le fleuve est sur le point de se transformer en une mer déchaînée. Sorte de déluge moderne renouant le lien avec un thème universel déjà traité par les Grands Anciens.
Les toiles ne sont pas vernies, les différences de matité et de brillance des matières sont ainsi conservées pour laisser la lumière extérieure jouer pleinement son rôle.
 

Ainsi le fleuve n’est pas peint, seule la lumière extérieure se reflète sur les parties saillantes et fait ressortir le relief.
 

Il évoque ici une attente, tandis que le ciel se déploie et se confond avec l’horizon.
L’orientation de la lumière extérieure est intégrée dans la peinture. Selon l’angle, la hauteur, la diffusion... le résultat peut être tout à fait différent.
Bien qu’utilisant un nombre restreint de peintures, la gamme chromatique est variée. Comprenant aussi bien les pigments purs, la peinture, que les différentes textures des matières qui elles-mêmes renvoient et absorbent la lumière extérieure chacune à leur manière.
 

Le noir pour fresque est essentiellement réservé au ciel. Il est utilisé en tant que charge dans de la peinture dilluée. Le coton peut être ainsi teinté dans la masse. La modulation de la lumière est faite par addition de pigments purs: noir pour fresque pour assombrir, blanc de titane pour éclaircir. Toute la masse du ciel est ainsi réalisée à partir d'une seule référence de peinture.
 

Les parties cimentées sont réalisées avec du ciment teinté dans la masse: mélange de ciment et de pigment noir d’Ivoire, puis à nouveau teintées avec une sous couche de teinture bois avant mise en couleur. Laissée apparente dans certaines zones, elle permet d’obtenir un gris brunâtre très foncé en tonalité chaude.
 



Les teintes chaudes avec gris à tendance verdâtre dominent dans la moitié haute du tableau, en particulier sur le ciel et la partie éclairée du mur. Les teintes chaudes sont toujours présentes dans la partie basse du tableau, mais contrecarrées par des touches froides de gris-bleu, présentes dans la partie ombrée du mur et surtout sur le sol.
 

Les parties lumineuses s’obtiennent avec un mélange de plâtre, de blanc de titane et de colle. Elles sont ensuite dégradées progressivement à l’aide de légers glacis de gris.
 

Ces multiples combinaisons pigments/peintures/matières donnent au final une gamme chromatique très étendue.
 



Le noir n’est pas uniforme. Plusieurs noirs sont utilisés et combinés à différents types de matières: noir pour fresque en charge de peinture sur le coton, noir d’ivoire en mélange avec l’eau artificielle ou en charge de peinture sur les parties minérales. Ces noirs entrent en opposition maximale avec le mélange de plâtre, colle et blanc de titane.
 

Les gris intermédiaires sont donnés soit par les matières elles-même, soit par différentes peintures, soit par modulation avec des charges de pigments, soit par le jeu de la lumière extérieure qui va accrocher les volumes et projeter des ombres véritables dans les creux.
 

Ainsi les ombres sont formées à la fois par le pigment et par la projection d’ombres véritables.
Plusieurs types de touches ont été appliqués: touches à sec, touches très diluées pour les parties sombres, glacis sur plâtre pour les parties lumineuses.
 


D’une manière générale, la touche est légère et très fluide, la peinture se fond dans les matières, mais les différences de texture entre les matières permettent de grandes variations. A l'inverse, les touches de lumière sont le plus souvent très denses et en relief.
 


La direction de la touche a elle aussi son importance: du bas vers le haut pour l’ombre, du haut vers le bas pour la lumière, dans les deux sens pour une ombre ou une lumière totale.
 


Les détails tels que les anneaux sont constitués d’éléments intégrés dans la matière, puis peints et mis en lumière.
La gravure est précise, les volumes du premier plans sont accentués tandis que les éléments d’arrière-plan sont laissés à l’état d’ébauche.
 




Peu de place est laissé à l’improvisation, mais les micro-hasards de la matière peuvent quand même s'insérer dans la composition.
Les matières organiques jouent le rôle d’un vide circulant dans lequel viennent s’insérer les matières minérales stables et pleines.
 
Ainsi le ciel constitue un ensemble mouvant qui vient s’opposer aux traits de lumière qui découpent les murs. Il aspire l’escalier et le spectateur vers le fond.
 


On retrouve une séparation entre un monde en phase d’abandon et le monde de l’incertitude. Entre un bloc minéral à la stabilité trompeuse et une nuée brumeuse en perpétuelle métamorphose.
 


Les oppositions clairs / sombres sont intensifiées sur le mur, l’escalier et les pavés, mais atténuées dans le ciel. Quelques touches de gris bleuté viennent contrecarrer la tonalité générale plus chaude de l’ensemble.
Contrairement à la peinture classique en pigments, la vision n’est pas faite de lignes et de couleurs mais de volumes et de textures.
 


Les contrastes de matières viennent s’ajouter aux contrastes de couleurs jusqu’à les dépasser:
 
Contraste de la texture mouvante et organique du coton contre texture dense et stable du ciment. Texture réfléchissante de l’eau artificielle contre texture matte et absorbante du coton. Texture lisse contre texture granuleuse...
 


L’opposition matières minérales / matières organiques détermine la dynamique de l’ensemble.
La différenciation des textures créé une séparation franche des plans. Cette séparation permet à son tour d’accentuer l’effet d’éloignement.
 

Les masses sont équilibrées entre le ciel, l’escalier, le mur, et le sol.
 

Cet équilibrage est un moyen d’organiser les oppositions: oppositions de lumières, oppositions de matières.
Ces chemins de traverse ne sont pas à proprement parler des issues de secours. Dans le cas de l’Escalier, ce chemin débouche sur un fleuve agité puis sur la masse d’un ciel de tempête.
Une échappatoire ménagée sur la périphérie établie une nouvelle relation entre vision centrale et vision périphérique. On retrouve ces échappées sur d’autres tableaux: Nulle part, La Cathédrale, Le casino...
Le point source du regard est placé proche du sol, à hauteur d’enfant. Ce point de vue est très largement utilisé: Les Quais, Quais de Seine Pont Royal, Paris gare de l’Est, La Tour saint-Jacques, La Gare, La Rue... Cela renforce l’effet de dominance des murs et accentue la perspective en hauteur, tout en grossissant le premier plan.
 

L'agrandissement de l'espace est souligné par l'absence de présence humaine.
Ce décalage régulier donne une perspective en torsion, type de perspective déjà utilisé sur des toiles antérieures.
 

Cette perspective particulière introduit une forme d’instabilité dans des masses minérales denses, souvent accompagnées de ruines: le mur de l'Escalier s'effrite, les quais de la Cathédrale montrent des fissures, des pierres parsèment le sol autour de la Tour Saint-Jacques. La flèche du Temps est montrée à l’oeuvre.
La perspective a fait l’objet d’un système complexe à plusieurs points de fuite, visible dès les dessins préparatoires.
 

De par les dimensions du tableau, ce système à plusieurs points de fuite n’est pas perceptible au premier abord lorsque l’on se trouve face à la toile.
La rembarde en particulier a été construite avec un côté intérieur en lignes de fuites décalées régulièrement.
La composition s’inscrit dans une série de carrés et de triangles imbriqués les uns dans les autres.
 
La ligne d’horizon se trouve sur la ligne du bas du grand carré.
La source lumineuse du fond, située dans le coin inférieur droit du petit carré, constitue le point focal d’où rayonne les lignes principales: ombres, haut des marches de l’escalier, haut du mur, lumière projetée.
 
Bien que la source de cette lumière soit cachée, elle constitue le point le plus important du tableau.
 



Les horizontales des marches créent un rythme régulier perturbé par l’oblique de l’ombre.
 
Les seules formes circulaires proviennent de la lumière et des anneaux.
Le reflet issu de la lumière du haut suit le tracé général d’une ligne sinueuse et constitue une des seules courbes de la composition.
 
L’escalier fait le lien entre Terre et Ciel. Il remplace les verticales dont le rôle est amoindri.
La toile a fait l’objet de quelques repentirs dans le cours de sa construction, en particulier le reflet de lumière. Situé dans un premier temps à gauche, il a été décalé sur la droite.
Le ciel est composé de plusieurs couches de coton teintées dans la masse par un mélange de peinture et de pigments purs. Un rideau de fils destinés à structurer la pluie a été posé sur les premières couches puis recouvert de nouvelles couches de coton.
Le fleuve part d’une couche d’eau artificielle (solution aqueuse de polyuréthane), mélangée à du noir d'ivoire.
 



Il a été appliqué ensuite une couche de ciment sur laquelle a été collé une feuille de papier aluminium, recouverte à son tour d’un mélange de pigments purs noir d’ivoire et d’eau artificielle.
Un dessin sur toile précède toujours la mise en matières.
 

Les pré-volumes ont d’abord été réalisés en balza. Ce bois très léger a d'abord pour fonction de préparer les volumes, mais aussi de diminuer le poids final de la toile.
 
Une première mise en matière s’est faite à l’aide de ciment, puis des couches supplémentaires de ciment mélangé à du sable et des graviers ont été ajoutées.
 

Le sable et les graviers ont été récoltés sur site et proviennent du lieu d’origine du sujet.
La toile est d’un grand format pour ce type de techniques: 80x130 cm avec un rapport longueur/largeur de 1,625 très proche du nombre d’or (1,618).
Le point de départ de cette toile provient d’une photo prise sur place. L’étape suivante consistant en un travail de l'image incluant des modifications de cadrage, de composition et de lumière.
 

La comparaison de la photo et de la toile permet d’apprécier les changements apportés à la lumière, ainsi que des changements plus subtils de perspectives.
 



Il s’agit d’aller au delà de la photo, dont le rôle est d’abord de conserver la mémoire des formes. La vision de l’esprit devant émerger pendant tout le processus de construction de la toile.
 

Le travail de cette toile fut long. Le dosage de lumière devant être calibré très précisément. La deuxième difficulté provient du format relativement grand qui augmente d’autant la surface des matières.
 

Le travail de la toile se fait toujours en atelier, passage de l’instantané d’une vision brute au temps long de la toile. Malgré la longueur du travail, la peinture conserve toujours une part de l’immédiateté du cliché dans ses formes sous-jacentes.
 



Les plus grandes différences par rapport à l'image d’origine concernent le traitement de la lumière: la source lumineuse située en hauteur hors champ a été supprimée, les reflets ont été fortement intensifiés tandis que la surface du sol apparaît plus mouillée.
 

Les ombres sur l’escalier et sur le mur ont ont été durcies et étendues. La luminosité du ciel a été retravaillée. La lumière du lampadaire a été durcie. La source lumineuse cachée par l'escalier a été amplifiée.
La perspective du premier plan a été légèrement agrandie pour renforcer la présence de la matière. Et la perspective de l’escalier a fait l’objet de modifications imperceptibles au premier abord.
 

Des essais de cadrage avec escalier décentré ou partiellement hors cadre avaient été réalisés, mais il a été privilégié un équilibrage des masses entre l’escalier, le sol, le mur et le ciel.
Elle est signée en haut à gauche au tampon. Au verso se trouvent la liste des substances utilisées, la date et une contre-signature.
La toile a été réalisée pour sa plus grande partie en lumière du jour venant de la droite, orientation Sud-Est. Mais aussi en partie en lumière artificielle venant cette fois de la gauche.
 


Elle est prévue pour être présentée avec un éclairage situé en hauteur, plutôt frontal et légèrement décalé à droite.
Nous sommes face à l’escalier du quai de l’Horloge, sur les Quais de Seine à Paris.
 

Cette toile a été réalisée pendant la plus grande partie de l'année 2019 jusqu’au début 2020 soit plus d’un an de travail.
 

Sa première exposition eu lieu à Paris début mars 2020. L’exposition de cette toile a été dans un premier temps prolongée de deux semaines, puis suspendue pendant la période de mise en place du confinement. Elle a été exposée une nouvelle fois en juin 2020.
 


2019-2020 clôture une décénie qui a vu non seulement huit des années les plus chaudes jamais enregistrées,
 
mais aussi l’épidémie de coronavirus de décembre 2019 et la mise en quarantaine de régions entières. Avec les villes sous confinement montrant leurs rues vidées de leurs habitants.
En face un escalier, sur la droite un mur occupe tout le bord, à gauche un quai donnant sur le fleuve, dans le fond se trouve une barre d’immeubles et un pont.
 

La barre d’immeubles forme une masse indéterminée qui vient se fondre dans la ligne d’horizon.
 


Sur le mur deux anneaux sont encastrés. Le revêtement laisse apparaître la pierre brute par endroits.
 


Des pavés en relief occupent le premier plan. Des gouttes et les reflets indiquent une pluie tombante.
 


La peinture est en noir et blanc.
L‘escalier du Quai de l‘Horloge - Luc Dartois - Peinture et matieres sur toile 2020
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